Inroduction:
Le théâtre Nô, forme dramatique japonaise ancestrale, est reconnu pour son esthétisme épuré, son rythme lent, et sa portée hautement symbolique. Mais ce qui attire l’attention dès l’apparition des acteurs sur scène, ce sont les costumes somptueux qu’ils portent, au premier rang desquels on trouve le kimono.
Loin d’être un simple vêtement, le kimono dans le théâtre Nô est un vecteur de sens, de codification et de tradition. Décryptons ensemble les codes cachés de ces costumes emblématiques.
Une scène minimaliste, un costume très chargé
Le théâtre Nô repose sur un décor dépouillé et des mouvements très réduits. Le kimono, richement brodé et coloré, joue donc un rôle d’expression essentiel. Il permet de :
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Identifier le personnage (genre, statut, nature humaine ou surnaturelle)
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Transmettre une atmosphère ou une saison
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Renforcer le pouvoir évocateur des gestes lents
Les types de kimonos utilisés dans le Nô
On distingue plusieurs vêtements dans le costume d’un acteur de Nô, dont le karaori, le plus représentatif.
Karaori (羅縁) : le kimono brodé de soie
Utilisé par les personnages féminins ou les esprits, le karaori est souvent :
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Tissé en soie avec des fils d’or ou d’argent
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Ornementé de motifs floraux ou naturels symboliques
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Porté avec une ceinture basse (différente de l'obi classique)
Il est si rigide qu’il modifie la posture de l’acteur, soulignant la solennité de la performance.
Suô (裏) et atsuita (厚縁)
Ce sont des vêtements masculins plus sobres :
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Le suô : un kimono blanc ou clair, associé aux jeunes hommes ou personnages nobles
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L’atsuita : plus épais, souvent porté par des guerriers ou d’autres figures viriles
Une palette de couleurs hautement codifiée
Les couleurs dans le théâtre Nô sont utilisées pour désigner l’émotion, l’identité ou même l’invisible :
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Rouge : passion, jeunesse, feu
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Noir : mystère, résignation, dignité
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Blanc : pureté, deuil, monde des esprits
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Vert et bleu : nature, calme, divinités
Les combinaisons peuvent être très sophistiquées, créant un langage visuel subtil et codé.
Des motifs chargés de symbolisme
Comme dans les kimonos classiques, les motifs ont une portée symbolique puissante :
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Chrysanthème : longévité et noblesse
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Grue : chance et éternité
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Fleurs de prunier : renaissance, saison hivernale
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Eau, vagues, brume : monde onirique ou spirituel
Chaque motif est soigneusement choisi pour renforcer le rôle et l’univers du personnage.
Une transmission délicate et précieuse
Les costumes de Nô sont souvent transmis de génération en génération, conservés dans des familles d’acteurs ou des troupes prestigieuses. Certains sont âgés de plusieurs siècles, et sont considérés comme des trésors culturels.
Conclusion
Dans le théâtre Nô, le kimono ne se limite pas à un costume. Il est un langage à part entière, un pont entre le visible et l’invisible, le geste et l’émotion, la matière et le spirituel.
Il exige une lecture attentive, une sensibilité au détail, et participe pleinement à la magie lente et solennelle du Nô. Comprendre ses codes, c’est entrer dans un univers où chaque fil raconte une histoire.